Dimanche 23 Mai 2021
Je suis enceinte de 23 SA, je sens bébé bouger tous les jours depuis maintenant 3 bonnes semaines. Il bouge tous les soirs sans exception, le matin un petit peu, l'après-midi lorsque je m'allonge, systématiquement.
En fin d'après midi, je me fais la réflexion que je ne l'ai pas senti de la journée, je ne me souviens pas l'avoir senti ce matin, mais je n'étais pas forcément à l'affût non plus...je partage mon inquiétude avec mon conjoint. Sur le coup il rigole en me disant « combien de fois tu m'as fais le coup avec L. ou E. ? » effectivement, cela arrive de ne pas les sentir pendant quelques heures, et comme je ne me souviens plus avec exactitude si je l'ai senti le matin ou non, je lui dis qu'on verra bien demain, et que de toute façon, on a l'échographie du deuxième trimestre le Mardi 25 Mai.
Lorsque je vais me coucher, toujours rien, Nico commence à vraiment s'inquiéter et me demande régulièrement si je l'ai senti, l'appréhension monte chez moi également mais j'essaie de rester sereine.
Dans la nuit je me réveille suite à un cauchemar, vers 3h du matin. Impossible de me rendormir, je suis obsédée par les non mouvements de bébé. Jusqu'à 6h du matin j'essaierai de le stimuler, en appuyant de plus en plus fort sur le ventre, mais rien ne se passe.
Je finis par me rendormir pour me levée vers 8h.
Je dis à Nico que ce matin on va devoir aller aux urgences, que je ne souhaite pas attendre jusqu'au lendemain, j'ai un mauvais pressentiment. Vers 10h il me propose qu'on parte, j'hésite....je déteste aller aux urgences, comme tout le monde je suppose, l'attente, la peur de venir « pour rien », j'ai l'échographie le lendemain en plus !!! Finalement j'attendrai jusqu'à midi et nous partirons.
Il me dépose aux urgences gynécologiques, il n'a pas le droit d'entrer et nous n'avons personne pour garder les filles donc il repart avec elles. Il est 13h30 quand j'arrive là bas.
Je leur dis pourquoi je suis là, elles me demandent de prendre un pot aux toilettes et d'y faire pipi puis d'attendre qu'on m'appelle. A ce moment là, je suis plutôt sereine, je sais que j'aurais bientôt une réponse, et je m'attends à être rassurée très vite.
En entrant dans les toilettes une dame n'avait pas fermé la porte, elle faisait pipi dans son pot à la vue de tous, ambiance....
Je retourne ensuite en salle d'attente, vers 14h , elles m'appellent pour une prise de tension, température, prendre mon pot, puis retour en salle d'attente.
On me rappellera à 16h, je suis prise en charge par une interne, je n'ai même pas regardée interne en quoi, SF, médecin, gynéco, je n'en sais rien. J'ai mal au dos à force d'attendre sur des sièges inconfortables, l'inquiétude monte de plus en plus et je veux rentrer chez moi.
Elle me pose un tas de questions, me demande ma première écho, mes antécédents, carte de groupe sanguin, me repose 3 fois les mêmes questions...à un moment je pense qu'elle se fiche de moi quand ça fait 3 fois qu'elle me demande mon prénom, si je bois/fume/me drogue, tout ça en l'espace de 10min ??
L'angoisse est à son comble et je sature de me répéter, j'ai besoin d'être rassurée.
On passe enfin à l'échographie.
Elle regarde, regarde et ne dit rien.
Déjà au fond de moi je sais que c'est terminé.
C'est comme se trouver au bord d'un gouffre, se retenir de tomber à une main en sachant que l'on ne tiendra pas bien longtemps mais qu'il reste un espoir minime.
Je tente quand même un « alors il bouge ?? » , pleine d'espoir, elle me répond « je suis en train de regarder » ce n'est plus à une main que je me tiens mais à un doigt.
Je ne regarde pas l'écran, je tourne la tête de l'autre côté de peur de ce que je pourrais y voir.
Nous sommes restées peut être 10min sans rien dire, ou peut être était-ce moins long, sûrement. Mais pour moi ça a semblé une éternité, avant qu'elle ne prononce ces mots :
« Bon, là il n'y a pas d'activités cardiaque » elle les a prononcé d'une voix douce et bien embêtée.
Je m'effondre.
Je tombe dans le gouffre, plus rien n'existe, rien n''est réel, je me sens emportée dans un tourbillon.
Elle pose une main sur mon bras. Me dis que « ça arrive malheureusement ».
Elle me prévient qu'elle doit aller chercher un médecin pour confirmer le décès, elle me demande si je veux rester dans la pièce ou si je veux retourner en salle d'attente.
Moi je suis en larmes, je ne veux qu'une chose : les bras de mon conjoint.
Je lui dis que je veux rester ici. Elle me dit ok, qu'elle revient vite. Je lui demande si je peux téléphoner à mon conjoint en attendant, elle me répond « vous ne préférez pas attendre d'être sûre avant ? » Non, non je ne préfère pas, la certitude est là, et cette solitude est insoutenable.
On m'a annoncée le décès de mon bébé il y a 30 secondes et je suis seule dans une pièce froide. J'étouffe intérieurement, je pense vivre un cauchemar, je suis sous le choc, mon cœur s'accélère, j'ai l'impression qu'on est en train de me rouler dessus.
Je prends tout de suite mon téléphone pour appeler Nico, il ne répond pas, 1 fois, 2 fois, 3 fois, j'ai envie de hurler.
J'appelle ma mère, qui me réponds tout de suite (c'est rare!).
Elle m'entend pleurer, me demande ce qu'il se passe, je peine à articuler « je suis à l'hôpital » elle me demande « c'est le bébé ? » « oui , je l'ai perdu ».
Elle me demande ce qu'il s'est passé, je lui explique entre mes nombreux sanglots, elle me dit qu'elle est sur le chemin du retour (elle était à 4h d'ici) et qu'elle arrive.
Je raccroche pour rappeler Nico qui cette fois répondra « Alors ?!!! »
…..... « Je l'ai perdu »
« Quoi ? » avec une voix qui tremble déjà, comme si ce que je venais de dire ne pouvait pas être réel, comme une chance supplémentaire que je lui dise « mais non tu as mal entendu, tout va bien »
« Il est mort »
On a pleuré ensemble au téléphone pendant plusieurs minutes, sans avoir rien à dire puis j'ai raccrochée, pensant que le médecin allait arriver.
En l'attendant j'envoie des messages, ma sage-femme, mon auto-école « je ne serai pas là aux prochains rendez vous, je viens de perdre mon bébé ».
J'ai attendue cette fameuse médecin pendant 30min, elle avait deux césariennes à gérer et elle est venue dès qu'elle a pu....pour évidemment confirmer le décès de mon bébé.
Je m'effondre de nouveau, elle essaie de me réconforter tant bien que mal « ce n'est pas de votre faute » « ça arrive sans qu'on puisse l'expliquer » « vous seriez venue plus tôt, ça n'aurait rien changé » ses mots me font autant de bien que de mal. Je lui demande si elle peut voir le sexe, elle essaie mais n'y parvient pas, bébé a ses jambes devant....
Elle m'explique rapidement la suite, je vais avoir 3 comprimés à prendre dès ce soir pour ramollir le col, je peux rester ici, ou rentrer chez moi. Je devrais revenir Mercredi matin pour déclencher l'accouchement si je choisis de rentrer chez moi ce soir.
Si j'ai de la fièvre, des contractions, des pertes de sang avant, je dois y retourner en urgence.
Elle me laisse ensuite avec l'interne, qui me repose exactement les mêmes questions qu'il y a une heure, me demande les même papiers, me demande 3-4 fois si ça va, alors que je suis en larmes.
Je veux rentrer chez moi.
Il est environ 17h lorsque je retourne en salle d'attente. Je dois faire une prise de sang pour un bilan complet, attendre les résultats, je dois ensuite voir l'anesthésiste en prévision du déclenchement Mercredi, faire un test PCR, attendre un premier résultat.
Tout ça va prendre des heures, je sortirai de l’hôpital à 21h. Épuisée, vide à tout point de vue.
Je suis seule, tellement seule dans cette attente aux urgences, mon utérus vide de vie.
L'infirmière qui fera ma prise de sang me dira « allez-y pleurez vous en avez besoin » je pleure, les larmes que je retiens tant bien que mal depuis un moment car tout le monde me regarde en arrivant aux urgences, toutes ces femmes qui arrivent pour accoucher et qui passent devant moi.
Cette infirmière a essayé d'avoir les mots, de m'offrir un espace, en vain, mais jusqu'au bout elle aura des attentions envers moi.
Une femme entre aux urgences, elle est en train de perdre son bébé elle aussi, elle pleure elle aussi dans la salle d'attente des urgences gynécologiques, j'ai envie d'aller m'asseoir à côté d'elle, son conjoint n'a pas pu entrer non plus. J'ai envie de lui dire « je sais ». Mais je n'ose pas.
On est si seule dans ces moments là.
Tout le long j'échange avec mon conjoint et ma mère par message pour les tenir au courant.
C'est interminable. Nous devons choisir un prénom, nous devons penser à la suite.
Comment ça va se passer, comment s'organiser, obsèques ou non ? Comment les financer ?
C'est peut être la seule chose à laquelle je peux m'accrocher à ce moment là, du concret.
Ma mère vient me chercher vers 21h et je retrouve enfin les bras de mon conjoint, on grignote rapidement et je vais me couchée après avoir pris les 3 comprimés.
La nuit fut très courte et très mauvaise, nos filles ne réalisent pas trop, elles son tristes pour nous, triste de ne finalement pas avoir de bébé, pour autant elles semblent passer à autre chose rapidement.
Je passe la journée à organiser la suite : Jeudi 28 Nico doit s'en aller pour 2 semaines, il faut faire les courses, préparer l'accouchement, les valises pour moi, pour mes filles qui iront chez ma mère....
Je prends une première et dernière photo de mon ventre rond. En regrettant amèrement de ne pas en avoir prise avant...lorsque mon bébé était vivant.
Arrive mercredi matin, à 6h nous nous levons, j'ai l'impression de ne plus réussir à dormir depuis dimanche, j'enchaîne les cauchemar et les montées d'angoisses, le réveil est un soulagement.
Nous restons silencieux, le temps de se préparer, puis de partir....
A ce moment là, je suis pleine d'ambivalences, je suis presque excitée d'aller à la maternité, de déclencher cet accouchement, de rencontrer mon bébé, puis je me rappelle que c'est mon bébé mort, que je vais rencontrer. Toute la journée je serai partagée entre ces sentiments.
Lors du premier comprimé pris pour lancer les contractions, je pleure, cette fois c'est sûr, je ne peux plus faire demi-tour. Ce n'était pas un cauchemar.
Cette fois je ne croise aucune femme enceinte, je vais directement en service de grossesse patho, tout le monde est très prévenant, la gêne est palpable, on n'a pas les mots dans ces moments là.
Nico sera avec moi tout le long sans que ce soit questionné une seule fois.
Je dois prendre le comprimé toute les 4h en fonction de son efficacité.
Dès les premières contractions, je pourrais avoir la péridurale si je le souhaite.
J'hésite d'abord ; ce bébé devait naître à la maison, entre nous, de façon physiologique, quel échec sur toute la ligne si en plus je prends la péridurale. Non seulement je ne l'ai pas gardée en vie, mais en plus il ne naîtra pas comme prévu. Nico me persuade de ne pas « souffrir pour rien », et finalement, je me décide pour la péridurale car en effet je ne me sens absolument pas capable de gérer ma peine, les conditions de l’hôpital et la douleur.
Aux alentours de 12h une aide soignante viendra nous voir, je lui demande combien de temps ça peut prendre, Nico repart jeudi et je ne me vois pas accoucher sans lui....elle me dit que ça prend du temps souvent parce qu'il faut lâcher, dire au revoir à ce bébé, accepter son départ.
Ses mots sont difficiles et si précieux à la fois.
Vers 15h je ressentirai les premières vraies contractions, nous descendrons en salle de naissance vers 17h. En arrivant dans la pièce, je m'effondre une fois de plus, je ne voulais plus accoucher à l’hôpital depuis l'expérience de la naissance d'Eileen dans la voiture. Jamais je n'aurais pensée accoucher ici, d'un bébé mort qui plus est. Tout ce qui arrive est un cauchemar, je veux me réveiller. Je suis branchée de partout, un cathéter qui me fais atrocement mal sur la main.
Je ne sais pas si j'ai si mal que ça ou si c'est mon cœur qui souffre tellement que mon corps rejette la moindre douleur.
Nico ne me lâche pas, je vois à quel point il souhaiterait prendre ma souffrance, à quel point il se sent impuissant.
C'est un interne en anesthésie qui viendra me poser la péridurale avec une infirmière anesthésiste. La SF est présente, ainsi que Nico qui a été autorisé à rester : j'étais déjà en larmes et il n'y a que lui qui pouvait m'apaiser.
J'ai ressentis une très forte douleur, pour Lilwenn ça n'a duré que quelques secondes à peine, cette fois ça m'a semblé duré une éternité, je crois que la pose a été compliquée au vu de la douleur ressentie et de l'efficacité moyenne par la suite. J'ai eu l'impression qu'on fouillait à l'intérieur de mon dos en remuant chaque nerf . Encore un moment horrible. Je ne fais que pleurer, dans mon masque, je m'accroche au regard de Nico.
Je voudrais hurler, que tout s'arrête.
Il faut encore attendre ensuite, toujours attendre. Je suis allongée dans ce lit, branchée de partout, avec des BIP réguliers, la prise de tension qui me broie littéralement le bras. Les prises de sang ratées, les larmes qui coulent encore et toujours.
Au bout de 2-3h je recommence à sentir les contractions du côté droit, de plus en plus fort.
La pompe pour les bolus était mal branchée, Nico la rebranche, mais j'ai beau appuyer j'ai de plus en plus mal, on le dit à la SF qui rappelle l'infirmière anesth.
Elle me met un produit plus fort....Effectivement, 10min après son passage je ne sens plus du tout mes jambes, je ne peux plus les bouger, quelle sensation désagréable...
Par contre, les contractions, elles, sont toujours là, beaucoup moins intenses certes, mais bien présentes. Assez fortes pour me faire souffler à chaque fois. Je ne le dirais pas à l'infirmière, de peur de ne pas pouvoir sentir du tout mon bébé naître. Je ferai avec cette douleur jusqu’au bout, me faisant la réflexion que finalement, j'aurai quand même bien souffert pour cette naissance.
Rien ne se passe « bien » et je crois que ça n'aurait pu être autrement, je rejette tout, je rejette cette réalité. Rien n'est acceptable dans tout cela.
Vers minuit 00h15, je sens une pesanteur dans mon vagin, c'est très vague, je n'ai quasiment aucune sensation, je dis à Nico de regarder et il pense voir quelque chose de loin mais n'a aucune idée de ce que c'est, on appelle la SF, c'est une aide soignante qui viendra et qui nous dit qu'elle l'appelle.
3 min plus tard, peut être moins, je ressens cette pesanteur de plus en plus fort, je dis à Nico que là c'est sûr c'est lui, il faut qu'il m'enlève la culotte qui tenait la protection hygiénique et vite, il me demande si je suis sûre, il me dis « je prends une photo si tu veux pour que tu vois » je lui dis sur un ton d'urgence que non, il doit rappeler de suite la SF et m'enlever de suite cette culotte qui empêche mon fils de sortir.
Il soulève la culotte et voit notre fils, il la retire tout de suite, je vois sa tristesse et je m'effondre, une énième fois, cette fois pour de bon, je sens le corps de mon fils sortir et c'est le pire moment de ma vie. Je sais qu'il est mort. Il n'y aura pas de miracle.
J'avais demandée à ne voir le corps qu'une fois nettoyé, de toute façon je pleure tellement que je ne regarde pas, ne voit pas. Nico me serre dans ses bras, il pleure avec moi, la SF arrive et voit le sang par terre et le bébé, elle réagit tout de suite très rapidement, en deux trois gestes rapide mais doux; très respectueux, mon bébé est déjà emmené pour être nettoyé.
Elle revient tout de suite pour la délivrance, je suis toujours en larmes dans les bras de Nico, elles sont deux, elles m'encouragent, me disent de pousser pour le placenta, il sortira très facilement. Nico toujours au dessus de moi depuis que notre fils est né, me cache le visage de ses bras, un rempart entre moi et la souffrance. Il me dit que ça y est,c'est fini, tout est fini.
On me dit que j'ai été forte, courageuse. Je ne me sens ni forte ni courageuse, j'ai subis, tout du long.
On ne dit rien à Nico, pourtant lui je l'ai trouvé tellement fort et courageux, il est resté debout quand j'étais incapable de me relever, comme si c'était interdit pour le papa de craquer, qu'il avait l'obligation de tenir, parce que j'étais celle qui souffrait.
Pas un mot de soutien pour lui, tous les regards et les attentions des soignants me concernait. Pourtant lorsqu'on le regardait dans les yeux, sa souffrance était palpable.
Vérification que tout va bien, nettoyage, appui sur le ventre....on attendra une bonne demie heure avant de rencontrer notre fils ensuite.
Lorsque la SF arrive avec lui, il est enveloppé dans un lange, dans un tout petit couffin.
Je n'ai plus de larmes, plus de force non plus, juste de la tendresse, elle nous laisse avec bébé et me dis que si nous voulons le porter, qu'on la rappelle, je lui demande si avant elle peut m'enlever le cathéter et le tensiomètre (pour que j'ai les bras libres) elle me dit que ce n'est pas possible.
Je suis en colère, comment je peux caresser la peau de mon bébé, si petit, si fragile, en ayant les bras bloqués, sans avoir l'usage de ma main droite...
Nous resterons un moment seuls avec lui, à l'observer, je lui tiens la main la plupart du temps. Sa peau est gélatineuse, collante, gelée, son visage est éraflé à deux endroits, pourquoi je ne sais pas, est-ce sa naissance (il a frotté sur le cuir du lit en sortant) , est-ce les soins, ou pire encore, est-ce qu'il a été blessé dans mon ventre ? Je ne le saurai pas, car je n'en parlerai pas, incapable de faire face si la réalité était qu'il s'était fait ça en moi.
Redoutant d'être en colère si c'était les soins, de m'en vouloir si c'était la naissance.
Il est si petit, il a les paupières toutes gonflées. Nous prenons quelques photos, on détaille son visage et on l'ancre dans nos mémoires.
Je finis par avoir la nausée, je rappelle la SF pour qu'elle vienne le reprendre.
Nous attendrons ensuite 2h30 seuls dans la salle de naissance, toujours branchée, perfusée...
Nous sommes épuisés, j'ai très peu dormi depuis dimanche, physiquement je n'en peux plus, et psychologiquement je suis dans le néant. On ne se parle plus avec Nico, on ferme nos yeux, on encaisse je crois. On se tient la main tout le long. Je suis en état de choc. J'ai tremblée pendant 3h, impossible de me calmée, effet de la péridurale ou psychologique, certainement un peu des deux.
On remontera en chambre vers 6h, épuisés, vidés et soulagés que ce soit terminé.
Nico partira en début d'après-midi, il faudra que je tienne, seule, encore. Je sortirai le vendredi en début de soirée.
Ma mère et mes filles viennent me chercher. Tout est compliqué, il y a un tas de paperasse à faire, un tas de choses à penser, des funérailles à organiser, je me sens dépassée, c'est grâce à ma mère que nous irons jusqu'au bout pour les funérailles, sans elle je ne me serai jamais sentie la force d'assumer cette partie.
Il faut aller à la mairie, plusieurs fois, il manque des papiers, des infos, il faut aller aux pompes funèbres, plusieurs fois, appeler un prêtre, prendre rendez-vous, choisir des textes, des chants, la police d'écriture sur sa tombe, des fleurs, une musique......Je suis noyée.
En rentrant à la maison, L. me dis « au moins, il est avec Hunter (notre chien perdu au mois de mars), il pourra lui expliquer lui, qui on est, comment c'est la vie, le soleil »
Cette pensée m'apaise encore aujourd'hui, notre fils a un beau gardien à ses côtés.
Ma mère sera là tous les jours, prendre soin des filles, faire à manger, m'aider pour toutes les démarches, en faire certaines à ma place, faire la liaison entre moi et le reste de la famille.
Je n'ai jamais reçu autant de faire part, d'annonce de naissance que cette semaine-ci. J'avais l'impression de prendre une gifle à chaque fois.
Nico lui travaillait, tant bien que mal, il n'avait pas le choix, il devait tenir. Cette distance était si difficile, nous n'avons pas vécu la même semaine et pourtant elle a été si dure pour chacun de nous, l'impression d'être en décalage, la souffrance de se sentir incompris.e.
Il reviendra pour une journée, celle de l'enterrement de Loan le 5 juin et alors j'ai su que nous vivions la même chose. J'ai retrouvée mon souffle , ne serait-ce que pour une journée, c'était le seul à savoir, réellement, ce qu'on avait vécu, le seul qui ancrait tout cela dans la réalité.
L'enterrement de Loan sera la dernière difficile épreuve à vivre, nous sommes entourés, les larmes de nos proches, leur présence, sont un baume pour nos cœurs. Cette fois c'est vrai, c'est fini, on a pu aller jusqu'au bout, lui rendre hommage.
Maintenant nous allons tisser ce deuil ensemble et seul à la fois.
Faire le deuil d'un bébé, c'est faire le deuil d'un avenir, de projets, de moments imaginés et désirés.
C'est accepter d'avoir porter la mort, de se sentir tombeau lorsque l'on devrait être berceau.
1 an après, je suis enceinte, ce bébé a trois semaines de moins que Loan aujourd'hui, 27 mai 2022.
Je vis avec l'angoisse de le perdre lui aussi. Et avec une gratitude immense d'accueillir la vie de nouveau.
Loan est ancré dans notre famille, encré sur ma peau. Il existe pour toujours dans l'invisible, ma lumière.