Nous sommes le 17 avril 2013, Nico entame son premier jour de congé : il a négocié une rupture conventionnelle avec son patron. Travaillant dans la restauration, il a décidé de quitter cet emploi aux horaires incompatibles avec un nourrisson. J'en suis au tout début du 9ème mois, il choisit de s'arrêter à cette date pour être plus présent et m'aider, car j'ai de nombreuses contractions, et rien que le fait de m'occuper du ménage + des deux gros loulous (croisée labrador x bouvier bernois et dogue de bordeaux tout jeunot) me fatigue énormément. La DPA est le 16 mai.
La nuit du 16 au 17 avril, j'ai eu mes premières contractions douloureuses. Ça n'a duré qu'une petite heure, pas de quoi s'inquiéter. J'avais aussi perdu le bouchon muqueux une semaine avant, mais idem, ça ne veut rien dire donc pas de panique.
Le mercredi 17 donc, première journée de vacances pour Nico, je lui demande de m'accompagner à mon cours de préparation à la naissance : il n'a jamais pu y assister à cause du travail.
J'ai pas mal de contractions, elles font mal, mais sont largement supportables. Pendant le cours de préparation, je me contracte de plus en plus, je respire, me plie un peu et ça passe (c'était une vidéo sur l'allaitement). À la fin, je demande à la sage-femme son avis : depuis la perte du bouchon muqueux, j'ai des pertes très liquides, en particulier la nuit. Elle me dit d'aller faire un test, au cas où ce serait du liquide amniotique.
Nous nous dirigeons donc vers le bâtiment juste à côté, il faut passer par les urgences. Je me retrouve à côté de femmes qui viennent de perdre leur bébé, et j'hésite carrément à faire demi-tour, rentrer chez moi, étant persuadée que ce ne sont que des pertes blanches...J'ai l'impression de prendre la place d'une urgence alors qu'il n'y a aucune raison... On s'occupe de nous, le test est négatif, ce n'est pas du liquide amniotique. On me fait quand même un toucher vaginal (TV), et on me met sous monitoring... Ce n'est pas très agréable car je contracte toujours, mais ce n'est pas très douloureux non plus alors... La sage-femme revient et me dit que le monitoring affiche quand même quelques contractions, mais qu'elles ne sont ni très fortes ni régulières, et que ce serait bien que bébé attende au moins 1 semaine avant de sortir le bout de son nez !!
O_O une semaine ?
Non, non, j'accouche dans 3 semaines, pas dans une semaine, elle s'est plantée, elle ! Chéri vient à peine d'être en vacances, nous devions profiter de ces 3 semaines pour se préparer "mentalement" (surtout moi) et effectuer tous les achats (oui, nous sommes carrément à la bourre) !!
On part de l’hôpital, je me persuade toute seule que je tiendrai les 3 semaines qu'il nous restait. Mais Nico me dit tout de suite "te fais pas d'idées, là tu vas accoucher bientôt !!!" sans aucune panique ni rien... Je lui dis de fermer sa bouche !!
On rentre à la maison, les contractions deviennent de plus en plus douloureuses. Nico me demande s'il peut aller voir des amis car c'est quand même son premier jour de vacances, et vu les contractions, il me dit qu'il n'aura plus le temps après !!
Je lui dis d'y aller, il m'achète un stock de pain au chocolat avant de partir et me dit "tu m'appelles au moindre souci".
Ouch, ça fait mal quand même, et puis ça ne s'arrête pas, rohh... ma mère me téléphone, elle est chez mon frère en Bretagne depuis 3 semaines. Je lui explique la situation, ils sont d'accord avec moi : ce n'est pas pour tout de suite !! De toute façon, j'ai intérêt, puisque ma mère ne rentrant que dans 4 jours, j'avais interdiction d'accoucher sans elle !! À peine raccrochée, c'est comme si cette conversation avait vexé L. : les contractions redoublent d'intensité, et je vais m'allonger car je suis déjà fatiguée de souffrir en continu même si ce n'est pas très fort... je télécharge quand même une appli pour compter et chronométrer les contractions, et le résultat est affligeant : toutes les 10 minutes !! Nico rentre, me demande comment ça va, je lui réponds en lui montrant l'écran du téléphone qui affichait toutes les contractions, et il me dit "Olala ben là c'est sûr, tu vas accoucher !!" je lui dis "mais non pfff, tais-toi" avec le sourire, mais en vérité, le stress est en train de monter...
Il est aux petits soins pour moi, mais je me force quand même à rester debout, à sortir les chiens avec lui... pour me persuader que non, je ne vais pas accoucher, je ne suis pas prête à accueillir cette puce, pas tout de suite...
On se couche vers 1h du matin, à ce moment-là, les contractions sont toutes les 7 ou 6 minutes, toujours régulières, et me font un mal de chien. Je me plie en deux et souffle autant que possible. Nico me demande de retourner à la maternité, je refuse. C'est sûrement un faux travail, je suis bien mieux chez moi. Je n'arrive pas à trouver le sommeil, j'ai trop mal. Je quitte le lit discrètement, mais Nico ne me loupe pas : "Allez, ça suffit, tu vois bien que tu as trop mal, on y va !!" Je refuse catégoriquement. "Je vais juste regarder un peu la télé, je te promets que si je ne tiens plus, on ira à la maternité."
Nico se rendort et moi je commence le calvaire... je commence par prendre un bain, ça calme un peu mais au bout de 5 minutes j'ai trop chaud, il faut que je sorte. Je prends 2 spasfons qui ne font rien, j'essaie de m'allonger dans n'importe quelle position, mais j'ai trop mal, de plus en plus. Vers 3h du matin, c'est toutes les 5 minutes que mon téléphone affiche une nouvelle contraction... Je ne peux pas fermer l’œil, alors que je suis épuisée, ayant mal dormi la nuit d'avant...
J'ai pris 3 bains dans la nuit, pour retourner ensuite désespérée sur le canapé. À 7h30, je craque. Je n'arrive même pas à pleurer sur ma douleur tellement je suis fatiguée : je veux dormir, je serais prête à tout pour ça ! Je vais réveiller Nico, j'essaie de cacher ma nuit de souffrance et je lui dis simplement "Ok, on va aller à la maternité. Je me prépare tranquillement et on y va." Je prends une douche, m'habille, mais chaque geste qui me prend d'habitude 2 minutes dure 1 heure : je dois me plier en deux toutes les 5 minutes !! Il faut préparer le sac (quand je vous dis qu'il n'y a rien de prêt...). J'ai acheté les habits seulement 2 jours avant, rien n'a été lavé, c'est la cata... Nico me dit qu'il va prendre le relais et faire le sac, me demande quoi prendre. Il commence à stresser.
On appelle ma grand-mère, on doit lui laisser les chiens, on ne sait pas combien de temps nous serons absents. Je passe un dernier coup d'aspirateur tant bien que mal et au bord des larmes (Chéri m'a regardée comme une cinglée xD) et on prend la voiture. Arrivés chez ma grand-mère, je leur demande un sac pour la maternité, car on a mis toutes les affaires dans des sacs plastiques (pas très pratique). Elle va m'en chercher, en attendant ma tante me dit "Non, non, non, il ne faut pas qu'elle naisse aujourd'hui, ta mère n'est pas là !" Sans blague... Et ma grand-mère renchérit : "Tu ne peux pas accoucher aujourd'hui, ses habits ne sont pas lavés." Ben voyons, je vais lui dire d'attendre la machine à laver !!!
Tout cela m'agace et me stresse d'autant plus que moi non plus, je ne veux pas accoucher aujourd'hui. On file à la maternité, direction les urgences à nouveau, il est 9h30... on attend 1h avant qu'on s'occupe de moi. Je n'ai pas eu le cours de préparation qui nous prépare justement à gérer la douleur, aux positions à prendre, etc. Je devais l'avoir le lundi suivant, grrr... Du coup, je fais au feeling, je reste debout, me tiens à une chaise ou à Nico, et à chaque contraction je me plie, voire même me mets à quatre pattes devant Nico... La situation est comique, dans le couloir des urgences, à quatre pattes la tête pile en face de la braguette de Chéri ! J'arrive encore à en rire donc ça va. Nico lui est tout pâle et ne sourit qu'à moitié !
3 touchers vaginaux, 2 monito et 1 test pour le liquide amniotique plus tard, il nous annonce que c'est pour bientôt, mais pas pour tout de suite, je ne suis qu'à 1 doigt !! (QUOI ?? Après une nuit à souffrir le martyre !!) Il me conseille de marcher une bonne heure dans l’hôpital et qu'on refera le point après. Sauf que je souhaite faire le travail chez moi... il accepte et me dit de revenir en fin d'après-midi.
On rentre à la maison, une fois là-bas, on donne des nouvelles à la famille, et je vais prendre une douche. Ensuite, je m'allonge nue sur le lit (bouffées de chaleur à gogo) en espérant trouver le sommeil. Nico l'a trouvé, lui, il ronfle à côté de moi. Alors que j’essaie différentes positions pour soulager la douleur, je rampe à terre, lève les jambes, retourne sous la douche... J'en peux plus. Au bout d'un moment, je décide de rester simplement allongée, et à chaque contraction, je serre Nico de toutes mes forces.
Ma grand-mère appelle dans l'après-midi pour avoir des nouvelles, et comme on lui dit qu'on reste là jusqu'à la fin de l'après-midi, elle me propose de passer pour laver les affaires de la petite. Je crie à Nico de lui répondre que non merci, ça ira. Oui, L. portera un pyjama non lavé. Mais là, vois-tu, je suis à poil chez moi en train de crier à quatre pattes sur mon lit et j'aimerais rester dans cette intimité XD.
A 17h, on retourne à la maternité, on revoit le même sage-femme qui me refait encore hyper mal avec son toucher vaginal à la noix, je le maudis intérieurement. Il m'annonce : 1 doigt large ! Ok, là je vais me pendre, au revoir.
Non sérieusement, je ne pourrais jamais tenir, ça fait 24h que j'ai mal, que je n'ai pas dormi, là je veux tout stopper, comment ça ce n'est pas possible ?? Je vomis tout ce que je bois alors que je meurs de soif, le fait de vomir me rajoute un peu plus de souffrance (au point où on en est hein...).
Le sage-femme me donne un ballon, me dit d'aller prendre une douche, ce que je fais, mais si ça calme un peu la douleur, la chaleur me fait tourner la tête et j'ai de nouveau envie de vomir.
Alors je retourne au lit, je devrais marcher, faire du ballon, mais là, je n'en ai pas la force, je suis fatiguée d'avoir mal, laissez-moi mourir !
Le sage-femme me met souvent sous monitoring (je ne veux plus jamais voir un monitoring de ma vie !!), et à chaque fois, il vient me dire à la fin que c'est régulier, que ça avance, qu'on en fait encore un et on verra après celui-là... Et après un autre... Allez, celui-là c'est le dernier, après on refera un toucher vaginal et je pense qu'on pourra prendre la péridurale (j'avais dit que je voulais éviter, mais en fait là, j'aurais pu me mettre à genoux en le suppliant pour avoir la péridurale !!). Je serre les dents pendant 30 minutes, me dis qu'après je n'aurais plus mal... Au bout de 30 minutes, il ne revient pas, grr, mais qu'est-ce qu'il fabrique !!
C'est UNE sage-femme qui débarque (équipe de nuit) et surprise : c'est une amie de mon frère et de ma belle-sœur !!! Nico fait un grand sourire et moi aussi, puisque même si je ne la connais pas plus que ça, elle m'est familière. Elle m'annonce qu'elle va refaire un toucher vaginal et un monitoring (quoi ?? on m'avait dit que c'était le dernier...), parce que chaque sage-femme perçoit les choses différemment, elle veut donc se faire son propre avis... Le toucher vaginal n'est pas douloureux, elle est très douce, me rassure, bref, je suis tombée sur la wonder sage-femme. Je suis à 3 doigts larges... encore un petit peu et j'ai droit à la péri, youhouuu, je passe sous monitoring. 45 minutes après, elle revient et me demande de me préparer : go salle de naissance !!!
Entre la joie de savoir que je ne vais plus souffrir et l'angoisse d'accoucher, je suis partagée... mais je fais tout de même un grand sourire rien qu'à la pensée d'un possible soulagement. Elle m'installe, me branche de partout, entre les perfusions et les patchs... Nico est parti se préparer. L'anesthésiste arrive (avec une auréole au-dessus de la tête, si, si), l'aiguille ne me fait pas peur, je veux juste que ça s'arrête, alors je me laisse volontiers faire. On m'a donc posé la péridurale vers 22h30, au bout de 10 minutes déjà, la douleur avait considérablement diminué. Je m'étais dit qu'une fois la péri posée, j'en profiterais pour dormir, mais je me suis tellement sentie revivre que je voulais profiter de ces moments. Comme dit Nico, ce jour-là, on ne s'est vraiment adressé la parole qu'à partir du moment où j'avais la péridurale...
Effectivement, je suis devenue un moulin à paroles. J'avais aussi très soif, et c'est se foutre de ma tête que de dire qu'un brumisateur ça hydrate !!!! À part mouiller la langue, euuuh, sauf que pas le droit de manger ni boire une fois sous anesthésie. Alors je demande à Chéri de le faire en cachette, ce qu'il accepte... après chaque contrôle de la sage-femme, je bois donc une grande gorgée d'eau. J'ai dû boire à peu près 1 litre dans la soirée... après une journée à vomir et donc sans boire ni manger, j'avais vraiment besoin de ça !! La péridurale était parfaitement posée, je sentais toutes les contractions, mais 0 douleurs !
La sage-femme me demande de me mettre dans certaines positions pour accélérer tout ça, de pousser quand j'ai envie d'aller aux toilettes (je savais que c'était le signal d'une naissance imminente). Je pousse donc tranquillement à chaque contraction... au point que quand la sage-femme repasse, elle me refait un toucher vaginal (me perce la poche des eaux au passage) et me dit qu'on sent la tête (oui, je sais, je l'ai touchée avant que vous arriviez). Elle me demande de pousser pour voir si c'est efficace, ce que je fais et... "STOP STOP STOP." Ok, vous poussez très bien, elle va sortir... je vais chercher une collègue et on commence !!
Je me mets à trembler comme une folle, pourtant depuis la péridurale je me sens bien, détendue, mais mon corps me trahit. Mes jambes, même sous anesthésie, tremblent, je claque carrément des dents. Nico essaie de me rassurer, mais je lui dis que tout va bien, je ne suis pas du tout stressée, je ne comprends pas ces tremblements... Je me mentais à moi-même puisqu'au fond, bien sûr que j'angoissais ! La sage-femme revient avec une auxiliaire de puériculture, installe tout le matériel, m'explique comment on pousse (ben oui, j'ai loupé ce cours-là aussi !). Je pousse une fois, deux fois, elle me dit d'arrêter le temps de la faire pivoter pour les épaules. Moi, je me marre, car avoir 3 personnes autour à vous dire "allez pousse, pousse, c'est bien, c'est super" c'était franchement comique.
La jeune auxiliaire puéricultrice hallucine et me dit qu'elle aimerait bien que tous ses accouchements se passent comme ça ! Allez, c'est le moment, une dernière poussée pour la sortir complètement. Je me concentre et me lance, et alors que je suis à bout de souffle et que j'allais m'arrêter afin de reprendre mon souffle... j'entends son cri !!!!! La sage-femme me dit de la prendre pour la sortir moi-même. J'ai envie de lui dire non, j'ai trop peur, mais je le fais. J'ai l'impression qu'elle va glisser de mes mains, et je sens son corps quitter le mien, la jeune auxiliaire de puériculture m'aide à la tirer et la met sur moi... Je n'ai d'yeux que pour ma fille, mais j'entends le papa qui pleure à côté de moi, et voilà, on y est, au plus beau moment de ma vie. L. est sur moi, elle ouvre les yeux pour regarder son papa rempli de larmes... On me propose de la mettre au sein, ce que j'accepte évidemment (je souhaite l'allaiter).
La sensation est bizarre, plutôt désagréable, mais le moment est tellement magique... Je suis ailleurs, dans un autre monde, transportée par son regard, par sa chaleur. J'entends les gens autour de moi, mais je ne suis plus avec eux. C'est très spécial comme sensation... La sage-femme me redescend vite sur terre : il faut de nouveau pousser pour expulser le placenta. J'ai ma puce sur moi, mais il faut que je recommence, et puis elle m'appuie fort sur le ventre ensuite, ce qui me fait quand même assez mal, alors qu'à ce moment-là je n'ai qu'une envie : qu'on nous laisse dans notre cocon !! J'ai tellement appréhendé cette naissance que j'ai besoin de me retrouver seule avec ma fille, de réaliser qu'elle est là. Mais il faut quand même me recoudre (2 petites éraillures). Ils partent ensuite tous les quatre (la sage-femme, l'auxiliaire de puériculture, Nico et L.) pour les premiers soins. Ils reviennent une demi-heure après, mais ça me paraît une éternité. Je me suis sentie abandonnée, à peine le temps de regarder ma fille qu'elle a déjà disparu !!! Elle est revenue toute belle, toute propre dans son petit pyjama.
L. est donc née à 37+4sa. Elle pesait 3 kg 380 pour 50,5 cm. C'est évidemment et très objectivement (;) ) la plus belle du monde entier (dans mon cœur en tout cas), et ce que j’éprouve pour elle aujourd'hui, je ne saurais le décrire. C'est juste FORT, et ce qui est sûr, c'est que je n'ai jamais aimé comme ça...
Ajout 10 ans après ...
Je ne me suis pas sentie mère dès la première seconde. J'ai bien ressenti cette vague d'amour infinie, mais pour autant, j'étais mal à l'aise dans ce nouveau rôle lors des premières heures de vie en tant que mère. J'avais l'impression qu'on m'observait et que je n'avais pas le droit à l'erreur. J'ai donc laissé L. dans son berceau en verre lorsque nous sommes remontées en chambre, je me suis endormie en vérifiant régulièrement qu'elle respirait sans jamais la toucher, de peur de la réveiller.
Lorsqu'une auxiliaire puéricultrice est venue nous voir le matin, je lui ai demandé si elle pouvait la changer car il fallait marcher jusqu'à la nurserie et je ne me sentais pas encore capable de me lever et de marcher (j'avais surtout peur de la porter). Quand elle est revenue, L. avait les yeux ouverts. Elle me l'a posée sur moi, et c'est là que nos regards se sont réellement croisés pour la première fois. C'est à ce moment-là que je suis devenue sa maman, et je ne l'ai plus jamais lâchée (ou même reposée dans son berceau !).